Ainsi chantait jadis un jeune Breton
Je mourrai une nuit, sur les routes de Bretagne,
Joyeux, et ferme en mon cœur le chant de notre victoire,
(Alors que tous les chants seront glacés sur ma lèvre),
Soldat pur, abattu, droit, à sa place,
Etendu, le front blanc. dans le fond d’un fossé.
Mais à l’aurore,
Quand quatre hommes viendront avec une civière,
Dans le matin humide, terne, et jaune d’argile,
Par les gémissements de la pluie de novembre dans les buissons nus,
Et la douleur muette des femmes en la maison,
Alors, tous agenouillés, ne dites pas
Il fut intrépide, hardi, téméraire.
Répandant la moisson de son cœur à pleines mains,
Le feu de sa jeunesse dans ses yeux clairs,
— Oh ! non pas avec des paroles vulgaires… qu’importe
Au guerrier qu’il fut
Baigné dans la lumière des soleils d’acier (qui brûlèrent
La vieille pourriture de la chair et l’aiguillon du désir).
Nos paroles émoussés et sans force ? A l’homme qui entendit
Dans l’avril clair le rire de la guerre joyeuse ?
Mais, sans orgueil (toutefois, un peu tristement)
Dites : Jamais personne n’aima plus que lui
La paix, le rêve léger aux ailes brillantes.
Dans le chant du labeur honnête auprès de la maison,
Et le passage des heures sur un foyer pur.
La grâce d’enfants heureux.
La prière joyeuse après l’effort du jour
Le rire sur des visages bien connus,
Et le calme tendre et secret de nos campagnes bretonnes.
auns la douce plénitude de la vie au faîte de l’âge.
Roparz Hemon
Breiz Atao. Mars 1926