[PNB] Les Bretons doivent apprendre à ne jamais se définir par des catégories françaises, lesquelles sont toutes étrangères, subjectives et façonnées par les biais des intérêts français. L’une des catégories les plus piégées à laquelle ils sont exposés par l’Etat français est le concept de “gauche”. Jadis attaqués avec virulence – pendant un deux siècles ronds – par l’intelligentsia parisienne pour leur sentiment contre-révolutionnaire, “particulariste”, “régionaliste”, “traditionnaliste”, donc de “droite”, “réactionnaires” en un mot, les Bretons sont désormais attaqués par les réactionnaires français pour leur adhésion morale et électorale à “la gauche”, qu’elle soit collectiviste avec Mélenchon ou plus individualiste avec Macron.
Se pose la question de savoir pourquoi ces Bretons si longuement contre-révolutionnaires ont rallié – électoralement – la gauche impérialiste et coloniale française.
La gauche coloniale française
La “gauche” est à la fois un absolutisme et un particularisme. Certes, son horizon théorique fondamental est la fin de l’histoire qui se conjugue avec la paix universelle, laquelle suppose, pour être possible, de détruire toutes les différences en arrachant chaque individu aux déterminismes hérités, réels ou supposés, qu’ils soient géographiques, sociaux, culturels, raciaux, religieux, économiques. Une fois l’égalité réelle atteinte par cet “arrachement” aux appartenances non choisies “en conscience”, c’est-à-dire la réduction de chacun à chacun, partout, au sein d’un ensemble politique uniforme, alors la paix mondiale adviendra et l’humanité, enfin, pourra s’unifier en un seul bloc.
Mais ce projet radical est un particularisme en ce sens qu’il ne peut être mis en œuvre partout, simultanément, car il est paradoxalement tributaire des différences qu’il veut abolir : fossés de langues, de géographie, de cultures juridiques et politiques, de formes d’états, de religions, de structures démographiques, etc.. Ce à quoi il faut ajouter les oppositions de gouvernements, les rivalités, les incompatibilités de caractères, les abandons, les échecs, les divisions idéologiques. Voilà donc la gauche fondamentale, tendue vers l’égalité totale, contrainte de composer éternellement au quotidien avec le mur de l’hétérogénéité humaine, dans l’espace et le temps. Cette “égalité” idéale n’advient jamais, en raison des obstacles posés par un tel foisonnement.
Dans ces conditions, le mensonge intrinsèque de la verbeuse gauche française est de prétendre à l’universalité quand, en pratique, elle n’est qu’une myriade de factions franco-françaises qui ne sont pleines que du nombrilisme parisien qui veut mettre au pas ses périphéries. C’est là que l’absolutisme de gauche rencontre le particularisme français : l’arasement des différences que la gauche fondamentale promeut théoriquement ne se traduit dans le cadre hexagonal qu’en politique de soumission au Léviathan étatique parisien, et rien de plus. Tout ce à quoi s’oppose l’Etat français doit être détruit. La gauche française, ce n’est rien d’autre, en définitive, que l’aspiration à une bureaucratie impériale redistributrice édifiée sur les débris des peuples conquis par elle.
Dès la proclamation de la république, les révolutionnaires français, imbus de la suprématie culturelle de la bourgeoisie parisienne, entreprennent de détruire toute forme de différences ethno-linguistiques et institutionnelles périphériques, de concasser les peuples et les langues pour forger l’homme nouveau, le “citoyen” conçu sur le modèle du Sans-Culotte parisien. Ce qui fait le corps social, c’est la soumission à l’Etat révolutionnaire français seule. La “gauche” en France est, dès sa naissance, une idée impérialiste au service de l’Etat parisien dont l’aspiration totalitaire est assumée. Formée en 1792, il ne faut que quelques mois pour que la république française organise l’anéantissement des ennemis intérieurs supposés de la Révolution. Toute aspérité doit être détruite. La Vendée, attachée à sa tradition catholique face à l’arasement matérialiste porté par la Convention jacobine, est écrasée au prix de 200,000 morts, essentiellement des femmes et des enfants. Les Bretons, insurgés suite à l’écrasement unilatéral de leur parlement national par Paris, échappent de peu au même sort.
La gauche en Bretagne est l’âme de la république française, son versant le plus clair dans les buts historiques que la Révolution se fixe contre notre peuple : la table rase.
Pas de gauchisation sans francisation
“Ce ne sont pas des privilèges mais les droits du peuple breton que l’on supprime”
René-Jean de Bothorel du Plessis, procureur-général syndic des États de Bretagne, 13 février 1790
L’accusation portée par les réactionnaires français peut être précisément bornée dans le temps. Préfigurée par le vote pro-européen en faveur de Maastricht en 1992 contre les appels de la réaction jacobine de Philippe Séguin, un juif de Tunisie naturalisé à la mode française, la caractérisation s’est systématisée avec l’accession du socialiste Jean-Yves Le Drian à la présidence de la Région Bretagne en 2004. Les Bretons ne sont plus les Chouans, les “cagots” ou les “bigots” dénoncés par la presse anticléricale, républicaine puis rouge, mais au contraire, des sujets bien trop “progressistes”, mélange de hippies, de rêveurs écologistes et de drogués célébrant l’immigration allogène. Naturellement, les réactionnaires qui la formulent se gardent bien de dire que ce sont les Français, et non les Bretons seuls, qui ont porté Mitterrand au pouvoir et avec lui, le socialisme.
Le fond de l’attaque reste la même de la part de la France coloniale : tant à droite qu’à gauche, le Breton demeure un indigène à la personnalité ethnique irréductible dont le comportement politique est suspect en raison d’une soumission incertaine. Ce peuple reste, en dépit de toute la rhétorique assimilationniste, un sauvage grossièrement civilisé dont les Français se méfient. Et même lorsqu’il vote “bien”, c’est-à-dire pour le pouvoir en place à Paris, ce même pouvoir s’en tient éloigné. Bastion électoral de François Hollande puis d’Emmanuel Macron, la Bretagne a constamment été “remerciée” de son soutien par ces chefs par une franche indifférence mêlée de mépris. C’est normal : les Bretons, dont l’esprit n’est pas commerçant, ne négocient jamais leur soutien politique. Sincérité naïve de peuple à la cohésion naturelle que lui assure un sang encore pur, mais qui ne paie jamais face à un état latin peuplé de métèques calculateurs qui se haïssent mutuellement et ne voient l’Etat que l’instrument d’exploitation féroce de leurs voisins.
Le grand ralliement sociétal des Bretons à la gauche française, radicale ou bourgeoise, a lieu à partir de l’élection présidentielle française de 1974. Les masses bretonnes sortent alors massivement de l’économie agricole depuis l’après-guerre et s’urbanisent. La puissante Eglise Catholique de Bretagne, s’effondrant finalement comme force sociale après une lutte d’un siècle contre les républicains et les révolutionnaires, appelle, par ses organisations de jeunesses ralliées au socialisme que sont la JAC et la JOC, à voter pour François Mitterrand et le Parti Socialiste français. Une génération entière bascule, presque instantanément, à gauche. La francisation est pleinement intégrée comme une unique possibilité d’ascension sociale et avec elle, les mythes du “Progrès” dont la gauche impérialiste française prétend avoir le monopole. Les Bretons, pour devenir fonctionnaires ou s’expatrier, ne jurent que par l’abandon de la vieille civilisation celto-catholique, le rejet de la langue bretonne et la francisation culturelle. L’égalitarisme chrétien, jadis organisé communautairement au sein des immuables paroisses rurales bretonnes, mute en égalitarisme post-chrétien, pétitionnaire, urbain et anonyme, d’expression française, aligné sur les obsessions de la bourgeoisie cosmopolite parisienne.
Les Bretons n’ont jamais spontanément adhéré à la gauche impérialiste française. Aucun basculement de cette nature n’aurait eu lieu sans la colonisation française. Assimilés sous la contrainte par le régime républicain dans les écoles de l’Etat français à la fin du 19e siècle, ils ont exprimé politiquement les conséquences d’une acculturation qu’ils ont subi.
Ce ralliement à la gauche française est passé par un puissant phénomène d’acculturation de masse, paradoxalement contré par une réaction simultanée d’une nouvelle jeunesse autonomiste. La génération bretonne née après la guerre qui abandonne la religion catholique, les campagnes et la langue bretonne pour la francisation urbaine sous la direction de la gauche française est celle qui engendre Alan Stivell, Diwan et le FLB. Cette opposition générationnelle, minoritaire, à la francisation a eu lieu dans un rapport de force social, politique, institutionnel et culturel extraordinairement déséquilibré. S’opposer à ce moment-là à la France au nom de la Bretagne, réputée arriérée et finie, qui plus est face à l’utopisme de la gauche post-68arde qui prend le contrôle social et culturel de l’Hexagone à partir des années 70, c’est convoquer le passé contre le mythe du progrès, la misère traumatique des campagnes contre la modernité des villes, le repli de village contre l’ouverture à Paris, donc, pense-t-on, au monde. Déjà insensé dans les années 1960, cette position était celle de Breiz Atao en 1919 quand, au lendemain de la plus grande victoire militaire de l’histoire de France, une poignée d’étudiants bretons proclament la nationalité bretonne comme fait politique face à un empire au fait de sa puissance.
La gauche en Bretagne est premièrement la synthèse de cette contradiction interne insoluble entre l’impératif absolutiste en faveur de l’égalitarisme total porté par un état omnipotent d’un côté et le différentialisme ethnique qu’expriment ataviquement les Bretons de l’autre.
Deuxièmement, elle est très souvent le masque d’un opportunisme ethnique qui préfère se mouvoir dans le sillon de la force dominante plutôt que de l’affronter, les Bretons ayant acquis un complexe d’infériorité après plus d’un siècle d’exposition au mythe civilisateur français.
Troisièmement, quand elle est radicale, l’adhésion revendiquée à la gauche en Bretagne est souvent une sorte de talisman d’invulnérabilité qui permet d’écarter les procès politiques des structures coloniales françaises en dérive ethno-différencialiste, donc inégalitariste. Cette menace d’excommunication par l’Eglise égalitaire hexagonale a une formidable capacité d’intimidation auprès des post-Catholiques bretons qui veulent passer en contrebande leur paganisme qu’est leur originalité ethnique.
Quatrièmement, une complaisance dans le misérabilisme qui, chez les Bretons, s’exprime par un fatalisme mêlé de tendances autodestructrices.
Instinctivement acquis aux hiérarchies établies, face à la France, les Bretons opèrent toujours, consciemment et inconsciemment, en intériorisant leur position de faiblesse, dans un rapport de un à dix, voire de un à quinze. Ils évitent donc d’instinct la confrontation directe et optent pour des approches d’infiltration et de détournement des structures étatiques de l’état occupant. Toutefois, cela reste une tentative schizophrénique de concilier les oppositions fondamentales que suscite l’occupation de la Bretagne par un état étranger qui dénature les esprits bretons en imposant ses catégories mentales.
C’est dans ce contexte général d’acculturation et d’aliénation ethno-psychologique qu’il faut interpréter la personnalité politique bretonne, qui reste celle d’un peuple systémiquement privé de son identité ethnique comme de ses droits par un état étranger hostile. Quand un Français ose se plaindre du comportement politique breton, le colon insolent doit se voir rappeler que c’est son pays, la France, qui a façonné les mentalités de la Bretagne moderne par le saccage culturel perpétré par son état et que ce qu’il contemple, c’est l’œuvre de la “civilisation” française. Si le tableau lui déplaît, il nous déplaît bien davantage et c’est la raison pour laquelle nous voulons mettre un terme à l’annexion de la Bretagne par la France et chasser cet état porté à la sauvagerie hors de notre pays.
Pour sortir de cette impasse historique, le seul et unique remède est l’exaltation de la fierté de la race bretonne, le réveil de la soif de domination des jeunes Bretons sur leur terre, bref, le nationalisme breton et sa conclusion logique : la libération de la nation bretonne par la restauration de son Etat.
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