18 avril 1675 : la révolution bretonne contre l’exploitation française éclate !

ISTOR BREIZH – Il y a 349 ans, le 18 avril 1675, éclate à Rennes une révolte qui prend vite la dimension d’une révolution. Les violences de rue sont le résultat de la décision de Paris de s’arroger le monopole de la lucrative vente du tabac afin de financer la guerre d’agression française contre les Pays-Bas.  

Quoique annexée illégalement en 1532 à la faveur d’un coup d’état orchestré à Gwened (Vannes) par François Ier, la Bretagne demeure consciente de sa nationalité. Ses institutions nationales, les État et le parlement de Bretagne, en sont les garantes. Les impôts et taxes en particulier relèvent de leur seule compétence, ce qui donne une dimension éminemment nationale au coup de force de Paris. 

Très vite, la révolte devient une révolution lorsque les masses bretonnes s’organisent un peu partout dans le pays pour défier la monarchie française.  Tous les représentants de la classe compradore sont attaqués.

Formulées dans différents textes, les revendications prennent une large dimension nationale et sociale, avec la dénonciation des abus des serviteurs de la monarchie française et l’exigence du respect des libertés bretonnes.

Le Code Breton, manifeste révolutionnaire, est rédigé par les Bretons insurgés à Notre-Dame de Kerminou en juin 1675

Le Pays Bigouden s’illustre dans le soulèvement, organisée en bloc insurgé, allant même jusqu’à Douarnenez et Konk Kerne (Concarneau). À Karaez (Carhaix), le chef breton Sebastian Ar Balp réunit 30,000 révolutionnaires et attaque le représentant du roi de France avant d’être malheureusement assassiné alors qu’il prépare l’extension de l’insurrection contre l’occupant français.

Le régime semi-colonial qui contrôle la Bretagne décide de réprimer ce soulèvement révolutionnaire par l’envoi de la force armée. Les Français, inquiets des efforts des patriotes bretons qui ont envoyé une ambassade auprès des Hollandais pour les aider à libérer la Bretagne de l’oppression française, hésitent sur la façon de réprimer le peuple breton.

À leur arrivée, les troupes françaises multiplient les exactions, traquent les révolutionnaires bretons et soumettent les villages à la pointe du mouvement à d’humiliants châtiments collectifs. La destruction des clochers est restée une des marques de la sauvagerie française.

Les Français, assoiffés de destruction, soumettent les Bretons à la pleine répression, procédant à des exécutions publiques, tandis que Colbert, ministre du tyran Louis XIV, exige et obtient des États de Bretagne le paiement d’un tribut personnel en plus d’une large augmentation des impôts pour financer les guerres d’agression françaises. Les Bretons doivent également payer l’entretien des troupes françaises qui les répriment, 20,000 soudards au total, pour l’essentiel composés de violeurs et d’assassins venus de France. 

La révolution des Bonnets Rouges demeure encore aujourd’hui l’exemple du caractère indissociable du nationalisme et de la lutte sociale, du soulèvement d’une nation contre l’étranger qui l’opprime par la force et le racket. Sans conscience nationale, les Bretons insurgés n’auraient pas articulé le soulèvement révolutionnaire avec les droits de la Bretagne que l’annexion française n’avait pas pu abolir, droits nationaux auxquels les révolutionnaires ajoutent ceux du peuple breton face à la classe coloniale qui l’exploite pour le compte de la monarchie française.

Aujourd’hui encore, cette dialectique reste intacte. La classe politique compradore, chargée d’administrer la Bretagne pour le compte de l’État français, se dresse contre l’émancipation nationale et sociale du peuple breton, consciente du fait que le statu quo colonial assuré par la bourgeoisie française garantit sa position. Là aussi, c’est bien la fin du pillage fiscal de la patrie par l’occupant étranger qui est au coeur du combat pour l’indépendance de la Bretagne et de son peuple. La lutte pour la liberté nationale de la Bretagne implique plus que jamais la fin de la levée de l’impôt en Bretagne par l’État français, prérogative exclusive de la nation bretonne et de son état. 

Gloire à nos éminents prédécesseurs !

Bretagne libre, sociale et nationale !

Ewen Broc’han

Ephéméride national breton : 18 avril 1675, début de la révolution des Bonnets Rouges

Ephéméride national breton : 18 avril 1675, début de la révolution des Bonnets Rouges

[ISTOR BREIZH] Le 18 avril 1675 une violente révolte populaire éclate à Rennes contre la mise en place en Bretagne du monopole de la production et de la vente du tabac au profit du roi de France. Cette révolte rennaise débouche rapidement sur une remise en cause de tous les coups de force fiscaux récemment imposées par la France à la Bretagne pour financer la guerre française contre la Hollande (1672-1678), en particulier la taxe sur le papier timbré.

La Bretagne, bien qu’annexée illégalement au siècle précédent, dispose d’une large autonomie intérieure, notamment fiscale, ce que les insurgés bretons entendent défendre coûte que coûte face à l’impérialisme français. L’impérialisme français déchaîné contre l’Europe a instauré un embargo commercial qui ravage l’économie maritime bretonne, pays d’exportation riche et dynamique. La Bretagne sombre alors dans un cycle d’appauvrissement général qui ne prend fin qu’au 20e siècle. La continentalisation que lui impose Paris reste la règle au 21e siècle, avec un sous-développement maritime contraire à ses aspirations, ses intérêts, sa culture et sa géographie.

Dans les jours suivant la révolte rennaise, celle-ci gagne Saint-Malo (19 avril), Nantes (22 avril, 3 mai) et Guingamp (20 mai). Partout, les Bretons réclament le même régime qu’à Bordeaux, en France, où, après trois journées insurrectionnelles (27-29 mars), l’Etat français a accepté de retirer divers impôts.

Craignant une contagion en France, Louis XIV décide de passer en force et d’écraser la Bretagne révoltée qu’il entend saigner à blanc. L’envoi de troupes en Bretagne est décidé début mai pour punir les patriotes bretons révoltés contre l’arbitraire français. Les séides coloniaux de Paris sur place prennent l’initiative de terroriser la population bretonne. Un homme est pendu à Nantes, ainsi qu’une femme à Guingamp. A Rennes, qui a connu une reprise des troubles (le 25 avril), l’arrivée d’une centaine de soudards français, le 8 juin, provoque une nouvelle vague révolutionnaire de défense des droits de la ville.

Les mercenaires français sont obligés de repartir et les autorités coloniales représentées par le gouverneur français en Bretagne occupée, le duc de Chaulnes, doivent rendre aux patriotes bretons les prisonniers faits les semaines précédentes. Chaulnes, humilié, ne parvient à ramener le calme que contre des promesses que les soldats français ne reviendront pas en Bretagne et d’accomodements fiscaux. La ville reste néanmoins agitée et le bureau du papier timbré est à nouveau attaqué le 17 juillet. La Française Sévigné parle de l’exécution de l’un des révoltés, Daligault :

Daligault, ce pauvre ménétrier, « qui avait commence la danse et la pillerie du papier timbré », le 17 juillet précédent, commença aussi cette danse funèbre. Comme c’était le premier supplice, on voulut qu’il jetât dans le cœur du peuple une profonde impression d’horreur et d’effroi : aussi, le corps du patient à peine détaché de la roue fut coupé en quatre quartiers, et ces quartiers exposés sur des poteaux dressés à cet effet aux quatre coins de la ville, c’est à dire, à la Magdeleine, au Bourg-l’Evêque, au bout de la rue Haute et à celui de la rue Hux (Relation de Morel). Daligault, quoique mis à la question, ne dénonça aucun complice ; toutefois, il dit en mourant que c’étaient les fermiers du papier timbré qui lui avaient donné vingt-cinq écus pour commencer la sédition ; et jamais on n’a pu en tirer autre chose » (Lettre de Mme de Sévigné, du 30 octobre 1675).

Dans le même temps, la contestation gagne les campagnes de Cornouaille. Le mouvement gagne le Léon, le Trégor et le Vannetais. Ceux que l’on appellera bientôt « les bonnets rouges » s’en prennent comme en ville aux nouveaux impôts décrétés par la tyrannie française et profitent en outre du rapport de force favorable pour obtenir des seigneurs des aménagements de rentes. Quelques châteaux et presbytères sont pillés. Le 2 juillet, les révoltés du pays bigouden proclament l’abolition des impôts nouveaux et des abus seigneuriaux dans un texte resté célèbre sous le nom de « code paysan » dans lequel la défense des libertés nationales de la Bretagne sont affirmées avec force.

Vers Carhaix, l’attaque du puissant château de Kergoët en Saint-Hernin (11 juillet) provoque un choc chez les autorités coloniales françaises qui espéraient jusque-là de temporiser. C’est alors que le représentant colonial Chaulnes demande à Louis XIV l’envoi de troupes françaises pour semer la terreur en Bretagne. Dans le même temps, des députés bretons sont signalés à La Haye, aux Pays-Bas, pour nouer une alliance entre les nations bretonne et hollandaise contre l’impérialisme français. Pour prévenir une possible intervention militaire hollandaise destinée à libérer la Bretagne occupée, environ 5 000 soudards français sont dépêchés pour attaquer les Bretons.

Le notaire Sebastian Ar Balp, chef du groupe des insurgés de Carhaix, songe à affronter l’envahisseur français, mais il est assassiné par un laquais du pouvoir féodal français. Les soudards venus de France ne rencontrent pas de « bonnets rouges », qui préfèrent se disperser. Le corps d’Ar Balp est exhumé pour être supplicié. Des clochers du pays bigouden sont détruits pour avoir sonné le tocsin dès le début de la révolte. La Française Sévigné, présente en Bretagne, raconte les scènes d’exécutions de masse que commettent les troupes françaises venues écraser les Bretons.

Nos pauvres bas Bretons, à ce que je viens d’apprendre, s’attroupent quarante, cinquante par les champs, et dès qu’ils voient des soldats, ils se jettent à genoux et disent mea culpa : c’est le seul mot de français qu’ils sachent, comme nos Français qui disaient qu’en Allemagne on ne disait pas un mot de latin à la messe, que Kyrie eleison. On ne laisse pas de pendre ces pauvres bas Bretons. Ils demandent à boire et du tabac, et qu’on les dépêche. 

La révolte bretonne présentait toutes les caractéristiques d’une révolution nationale. Paysans et bourgeois étaient unis dans la volonté de renverser les structures du pouvoir royal français qui s’appuyait sur une classe féodale particulièrement féroce. Les codes paysans commencent à articuler un véritable programme politique dont la dimension nationale est sous-jacente. Les Bretons déploient des efforts en direction des Pays-Bas, nation en guerre contre l’impérialisme français. Hélas, faute d’une organisation révolutionnaire, cette révolte ne parvient pas à se structurer en révolution et à s’armer pour une confrontation de longue durée contre l’occupant français. 

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