Doctrine du nationalisme breton : Fransez Debauvais, père fondateur de la nation bretonne moderne (Chapitre 2)

Doctrine du nationalisme breton : Fransez Debauvais, père fondateur de la nation bretonne moderne (Chapitre 2)

[PNB] Le Parti National Breton poursuit la publication du portrait et de l’action de Fransez Debauvais, père fondateur de la nation bretonne moderne. Il s’agit d’un travail essentiel de formation politique. Chaque militant, chaque sympathisant, chaque patriote breton doit connaître et comprendre la tradition de l’Emsav, comment cette tradition s’est formée historiquement pour accoucher de la conscience nationale en action, et à qui ils le doivent. Les Bretons doivent à Fransez Debauvais, par son action et sa pensée, plus qu’à tout autre, la constitution de cette conscience. Sans Fransez Debauvais, Breiz Atao n’aurait pas pu avoir la profondeur de pénétration qu’il a eu et a encore, comme capital historique agissant, et l’Emsaver doit parfaitement le comprendre. Ce portrait, paru dans Ar Vro Gwirionez, en 1961, illustre toute la force d’un homme ayant consacré sa vie à un seul but : la liberté de la nation bretonne. Il permet aussi de comprendre que les acquis historiques de l’Emsav, à partir de 1919, l’ont été contre un vaste cartel politico-médiatique au service de Paris et de l’Etat français et qu’en dépit de l’extraordinaire disproportion des forces, Fransez Debauvais, guidé par une volonté de fer, a invariablement fait face aux attaques féroces des Français et de leurs agents. Les nationalistes bretons du 21e siècle affrontent des circonstances nouvelles auxquelles ils doivent répondre à la lumière de leur époque, mais sans perdre la chaîne historique qui constitue l’Emsav. Il n’y a pas de génération spontanée, leurs bras sont le prolongement actuel d’une pensée dont le créateur, certes avec d’autres, car le nationalisme n’est pas une aventure solitaire, est Fransez Debauvais. C’est en fidélité d’esprit avec les pères fondateurs que le Parti National Breton présente l’homme à qui la nation doit tant.

Dans son premier numéro de l’année 1935, Breiz Atao fait le point :

« Le soleil pâle de l’an nouveau se lève sur notre vieille terre bretonne. Encore une année de lutte qui s’achève pour allonger derrière nous tes annales de notre effort ! Les jeunes gens de 1919 sont devenus des hommes. Mais d’autres jeunes gens sont venus depuis, plus nombreux, plus instruits des choses de leur pays, et surtout mieux armés le détendre et le conduire. Ceux qui parlent da relèvement breton comme d’une tentative stérile et comme d’un « mouvement immobile » ferment volontairement les yeux sur les résultats prodigieux de nos seize années de travail. Rarement, on peut même dire jamais, aucun mouvement de réveil national n’a, comme le nôtre, en si peu de temps, réussi à modifier aussi profondément que nous l’avons fait l’âme peuple. Aucun n’a, en seize ans, bâti une doctrine politique d’affranchissement et jeté les bases d’une culture nationale, fixé une langue et donné naissance à une littérature renouvelée. Aucun, en quelques années, n’est passé des rêves imprécis des poètes aux dramatiques réalisations des sociétés secrètes. Ces considérations doivent nous remplir de fierté et de confiance. Ceux qui se plaignent de la prétendue maigreur des résultats obtenus ne se font aucune idée des choses. Voudraient-ils voir en 1935 des bataillons autonomistes défiler dans les rues, alors qu’en 1915 il n’existait peut-être pas dix Bretons assez conscients de leur personnalité nationale pour mettre en doute la légimité des services militaires qu’ils rendaient à ta France ? En réalité. le mouvement breton progresse aussi vite qu’il peut le faire sans danger. Déjà la distance qui sépare la jeune génération de celle qui, il y a trente ans, a mené de son mieux le bon combat, se met à ressembler à un fossé. La Bretagne, qui a besoin de tous ses fils, n’a aucun intérêt à ce que ce fossé s’élargisse. Pour que les anciens maintiennent le contact, pour que le peuple suive, il ne faut pas prétendre, en Bretagne, faire en vingt ans ce que les Flamands ont tait en cent ans et les Tchèques en deux cents ans. Le mouvement breton marche, et marche bien, un certain travail de classement des idées, des programmes et des personnalités s’est accompli depuis 1932. Nous arrivons à une sorte de stabilisation des groupes : nationalistes purs, fédéralistes, régionalistes, catholiques, laics, défenseurs de la langue en dehors de toute politique, releveurs des arts bretons, tous s’efforcent sur leur terrain particulier et avec leurs méthodes propres à atteindre les buts qu’ils se sont fixés. Nous avons ici assez conscience des intérêts supérieurs de la Bretagne. Nous nous sentons assez sûrs, assez torts pour envisager cet état de choses avec sérénité, et même nous en rejouir. Le relèvement de la Bretagne sera sans doute stimulé, conduit, pris en main par une minorité d’élites, capable et fanatisée. Mais il sera l’œuvre de tous les Bretons, de tous les bons Bretons, directement ou indirectement. Chacun de ceux qui sent dans sa poitrine un cœur breton, sans plus, fera sa pierre à l’édifice. Car, malgré nos divergences, nous sommes tous solidaires. Tous nous aimons ta Bretagne passionnément ; tous nous sommes prêts à lui sacrifier quelque chose. Et si. par malheur, l’aveuglement des passions partisanes nous taisait oublier que nous sommes les soldats d’une même cause, l’adversaire se chargerait bientôt de nous le rappeler. A ses yeux, il n’est ni régionalistes, ni fédéralistes, ni séparatistes, ni blancs, ni bleus, ni rouges, ni jeunes, ni vieux, il n’est que des sales caboches de Bretons qui ne veulent pas s’incliner… II n’est, comme le dit la voix populaire, que des “Breiz Atao !”.”

La politique fondamentale du P. N. B. va rester la « politique irlandaise L’exemple du « premier peuple celte à avoir recouvré sa liberté ne pouvait manquer d’inspirer les patriotes des nations-sœurs et B. A. célèbre l’anniversaire de l’insurrection de 1916 avec autant de piété et de flamme que les vétérans qui défilent. à Dublin, devant le General Post Office pour les cérémonies du Lundi de Pâques. Le numéro spécial de B. A. du 12 mai 1935 (no 223). imprimé sur six pages et totalement consacré à l’exemple irlandais, contient, sous le titre Commandements de Pâques, un texte signé J. La B.. qui indique la voie que suivra, sans désemparer, le mouvement des années d’avant-guerre. Il doit être largement cité :

« Il faut, dès à présent, songer où peut nous mener Breiz Atao. Aucun peuple n’est parvenu à se débarrasser de la domination étrangère sans souffrances et sans morts. La valeur de la foi patriotique d un homme se mesure à sa volonté de sacrifice. Le mouvement breton a longtemps piétiné parce qu’il jamais eu recours aux actes de courage libérateurs. La semaine de Pâques 1916 a tait en Irlande la rupture morale nécessaire. Le mouvement breton a trop longtemps reculé devant les ruptures morales nécessaires. Que vaut donc notre cause ? Où sont nos procès, nos prisons, nos blessures ? De toutes les leçons dont nous avons besoin en Bretagne, les leçons de courage nous font le plus défaut. Le premier bonheur, pour un peuple, c’est la liberté nationale, elle vaut d’être payée. La peur ne mène a aucune victoire. L’idée de mourir pour la Bretagne doit nous être aussi familière qu’à d’autres celle de mourir pour la France, l’Italie ou l’Irlande, un certain état d’esprit doit naitre chez nous, très élevé, très pur, très ardent, très mystique. Nous nous lèverons pour détendre nos métiers et nos champs. Mais nous risquerons le principal dans une autre pensée. On offre sa vie par amour ou par orgueil. jamais par intérêt. Il nous est égal de passer pour des tous, des criminels auprés de rieux hommes lâches qui sous le couvert de l’Etat organisent er inutiles massacres de jeunes gens. Notre devoir est de préparer le peuple breton aux événements inévitables. Il n’y a ni une année, ni une heure à perdre, si nous ne voulons pas qu’un jour se renouvelle la honte de 1914. Les Irlandais, de 1916 à 1922, ont payé leur indépendance d’un millier de morts. Les Bretons ont payé avec deux cent quarante mille cadavres le renouvellement de leur bail de servitude. Qui sont les fous ? Qui sont les sages ? Et le peuple breton nous suivra parce que nous savons ce que nous voulons. On a dit asse: aux Bretons que leur pays se mettrait et que c’était dommage. Ils le savent très bien, jusque dans la dernière chaumière. C’est un plan d’action qui les intéresse, un but idéal n’est jamais qu’un beau rêve. Le sérieux du mouvement breton réside uniquement dans les possibilités de réalisation qu’il offre. Nous. nous avons tout pesé, tout examiné, nous offrons une voie, le peuple le sent bien. Les notions de droit et de justice ne sont que des clauses de style quand elles ne sont pas appuyées sur la force. Le peuple rit des « modérés » qui comptent sur la moralité des états pour obtenir justice. Notre seul argument valable est la force. Si nous ne pouvons disposer de la force, nous comptons pour rien. Si. disposant de la force, nous assurons notre adversaire que. quoiqu’il arrive, nous ne tirerons jamais un coup de fusil, c’est comme si nous lui disions ; ne cédez rien. vous ne courez aucun danger. Seule une préparation visible et réelle à l’action de force peut donner un poids à la menace que nous représentons. Seules, en tin de compte, les grenades et les balles ont fourni aux Irlandais l’état, c’est-à-dire le moyen de sauver leur langue et d’organiser leur vie nationale. Il ne s’agit pas de nous soulever demain, ou après-demain, mais de savoir clairement où nous allons. De ne pas nous tromper nous-mêmes. Il s’agit d’étre prêts et d’inspirer confiance au peuple, parce qu’il nous sentira prêts. Et nous triompherons. Nous triompherons parce que nous serons toujours les plus forts en Bretagne, tant qu’il n’y aura pas au moins 3,300,000 Français installés sur notre sol à côté des 3,300,000 Bretons. Nous triompherons. parce que nous avons retrouvé le sens de la mission héroïque de notre race. »

On ne peut être plus clair.

En Octobre. P. G. annonce dans B. A. qu’une section de Bagadoù-Stourm sera créée pendant l’hiver à Rennes, et le 29 décembre le journal fait connaitre que la section vient de faire sa première sortie d’entraînement dans la campagne rennaise.

Il est évident que l’action nationaliste ne pouvait manquer de mettre bien des personnes, officielles ou non, en émoi, une campagne de presse va bientôt être déclenchée contre B. A.. dont les deux principaux protagonistes seront les journaux rennais La Province et Les Nouvelles Rennaises. La Province, journal de droite dirigé par Delahaye, affiche des sympathies royalistes, tandis que Les Nouvelles Rennaises,
dirigées par Etienne Nicol, sont laïques et républicaines, mais toutes deux se retrouvent côte à côte pour lutter contre les autonomistes. Il faut d’ailleurs dire que M. Delahaye ne se décida à passer à l’attaque que lorsque tous ses efforts pour embarquer les nationalistes dans la galère provincialiste de la Restauration eurent échoué : B. A. parlera même de ses premières attaques comme de la « fin d’une encombrante sympathie (17 février 1935)”. L’occasion. sinon la raison. de la campagne fut l’affaire du Monument. On sait que le 7 août 1932. Gwenn-ha-Du avait fait sauter le monument qui, dans la niche de l’Hôtel de Ville, prétendait célébrer l’ Union de la Bretagne à la France attentat dont Breiz Atao faisait célébrer, et continuera à faire célébrer, l’anniversaire par des feux de joie sur les sommets de Bretagne. Au début de 1935, à l’instigation, dit B. A., des services officiels, certains membres de la municipalité rennaise se mirent en tête de refaire un monument et firent attribuer une subvention de francs, pour études. à l’auteur du bronze détruit. Jean Boucher : Breiz Atao dit clairement ce qui allait se passer : « Peut-être (le monument) pourra-t-il étre inauguré. Peut-étre pourra-t-il demeurer quelque temps. mais nous savons que tout monument de l’union, fût-il gardé de jour et de nuit par une garde armée, sera détruit. Il est encore temps pour le Gouvernement français et pour la Municipalité de Rennes de ne pas transformer la place de l’Hôtel de Ville en camp retranché. »

Ce fut alors que La Province et Les Nouvelles Rennaises lancèrent une campagne qui ne devait cesser qu’avec l’interdiction de B. A.. et encore ! — campagne d’une violence inouïe qui ne reculait devant rien : La Province n’écrivait-elle pas que Breiz Atao aurait la pensée folle de rattacher la Bretagne l’Allemagne, comme la Sarre » (février 35). Car le trait distinctif de cette campagne fut bien qu’elle se refusa toujours à discuter honnêtement et sérieusement de la position nationaliste, mais n’eut d’autre but, ni d’autres moyens, que de représenter les nationalistes comme d’infâmes traitres vendus à une puissance étrangère. La sollicitude des services préfectoraux de M. Bodénan fait que la campagne s’étend et s’amplifie : Le Nouvelliste, le journal catholique imprimé à
Rennes, y va de son petit couplet sur les agents de l’Allemagne (mars), puis les ténors de la “grande presse” s’en mêlent : Marianne, Le Miroir du Monde, Le Temps avec Wladimir d’Ormesson ; M. Bouilloux-Lafont, dans son journal Le Finistère, ne souffre d’ailleurs pas d’être en reste, pas plus que La Dépêche de Brest avec M. Dupouy. Les attaques sont d’une telle violence que Debauvais, répondant à un article de E. Nicol, peut déclarer (29 mars 35) qu’il ne s’agit rien moins que d’un “appel à l’assassinat”. Puis les services de police interviennent : en Octobre la vente de B. A. est interdite à Paris sur la voie publique et le journal, noté parmi les publications…pornographiques, est également interdit dans les bibliothèques des gares : les vendeurs de B. A. à la criée se voient menacés de sévices. Dans le 6e arrondissement. il y a même une interdiction de vente et d’exposition dans tous les dépôts de journaux. La gendarmerie, en Bretagne, intervient pour empêcher des réunions publiques et en décembre. au projet de loi contre les Ligues, on adjoint une phrase réprimant les « atteintes à l’intégrité du territoire national phrase qui n’est évidemment pas faite pour les ligues, quelles qu’elles soient ! En février 36, la vente, distribution, etc…. de B. A. sont interdites au Maroc par le Commandant des troupes françaises, le général d’armée Corap, auquel il fut évidemment plus facile de chasser un journal autonomiste des kiosques marocains que d’arrêter les Allemands à Sedan en 1940 : c’est en effet ce même général Corap qui fut relevé de son commandement en pleine bataille (15 mai 1940) et publiquement flétri par M. Paul Reynaud au Sénat (21 mai).

Rien ne peut blesser autant les leaders nationalistes que ces accusations de trahison qu’on leur jette au visage, eux dont toute la vie, dont toute la lutte au milieu d’une atroce pauvreté, sont inspirées par une loyauté sans défaillance, par le patriotisme le plus pur. Que des journalistes « alimentaires » les salissent ainsi, peut, au fond, leur chaut : ce qui leur fait mal c’est que des Bretons, de ces Bretons auxquels ils sacrifient leur vie, puissent, de bonne foi, penser d’eux qu’ils sont des traitres, et non pas les plus fidèles des hommes. Brython, inspiré par le calvaire de Roger Casement, aura. pour les drames qui viennent, un très beau poème ( 12 mai 1935) :

Roger Casement

LE FELON

Dédié à la mémoire de Roger Casement, héros de l’indépendance irlandaise, pendu comme traitre par les Anglais.

La mer en s’en allant
M’a laissé sur le sable.
Par devant moi, nuit,
Le vent,
Et les trous noirs des fusils.
Je suis le grand félon porté par les flots gris.
Je n’aurai ni mon heure, ni mon jour.
J’ai choisi de tomber comme un chien qu’on abat.
Mon corps dans les orties, les ronces, et soUs les mouches.
Après, un tas de sable jaune, avec une croix de bois sans nom.
Il n’y aura pas de fleurs, jamais.
Et ma mère ne viendra pas.
Mes pieds RUS sur le sable froid
Comme le ciment qui m’attend, derrière la grille,
Où de mes plaies tombera goutte goutte
Mon sang,
Quand je lirai ma joie
Dans Vaube rouge de mes yeux clos.
Seul, face au fer, j’ai lancé mon cri d’homme traqué.
Béte acculée.
J’ai des frères : ils ont chanté pour ne pas m’entendre
Et mis leur tête entre leurs mains.

Cherchez dans les taillis avec vos lanternes,
Battez les branches de vos fusils,
Tirez !
D’autres viendront, portés par les flots gris,
Et mettront leurs pieds nus sur le sable,
Pour tomber eux aussi.
Tout est fini.
Mon corps est allé à la terre.
On se donnera bien du mal pour en retrouver les débris,
Dans des tamis,
Plus tard, quand on viendra le chercher avec des drapeaux
Et des fanfares.
La gloire !

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