Lorsque le média régionaliste Breizh-Info, vaguement proche de la mouvance d’Éric Zemmour, publie des articles à propos du nationalisme breton, ceux-ci sont d’ordinaire peu rigoureux, volontiers caricaturaux et, last but not least, hostiles. Nous l’avons déjà évoqué en août dernier. Pour autant, jouant volontiers du confusionnisme, il n’hésite pas à se prévaloir dudit nationalisme breton pour mieux disqualifier tous ceux qui objecteraient légitimement à ses positions régionalistes.
Le dernier texte diffusé par ce média, produit par un certain “Mathurin Le Breton”, s’inscrit dans cette continuité. Adressé aux Corses qui n’avaient rien demandé, un soi-disant “nationaliste breton” commet une tribune enflammée à la gloire d’un nouveau mouvement dénommé “Palatinu”, d’orientation régionaliste, officiellement associé à Éric Zemmour à qui il a prêté allégeance, se focalise sur l’Islam, et affiche fièrement ses sympathies pour les franges de l’extrême-droite religieuse israélienne les plus fanatiques.
Dans cette tribune, on apprend que “la naissance de Palatinu et le discours assumé et abondamment relayé de Nicolas Battini a été pour nous, nationalistes bretons, une bouffée d’air frais !”. Nous, militants du Parti National Breton, seule formation nationaliste bretonne active – car le nationalisme breton n’est pas une littérature, mais un engagement pratique – n’avons pas accordé d’attention particulière à cette association politique étrangère. Tout au plus, lorsqu’a été annoncé sur les réseaux sociaux français son appui au parti d’Éric Zemmour, avons-nous compris qu’il s’agissait d’une association essentiellement liée à l’extrême-droite hexagonale. Partant, là a commencé et s’est arrêté notre intérêt, comme de bien entendu pour des nationalistes bretons en lutte contre l’Occupation.
On apprend ensuite, à en croire la tribune, que cette association régionaliste corse rend “possible d’être nationaliste breton, corse, basque, catalan sans être soit un invraisemblable woke (c’est le cas en Bretagne) soit un nostalgique du nationalisme très à droite de l’entre-deux guerres et sa cohorte de textes et de concepts totalement hors du temps”. On ne voit pas de quel “nationalisme breton woke” il peut bien s’agir, car il n’existe rien de tel. Cette affirmation, récurrente dans les textes d’une grande confusion publiés par Breizh Info sur le nationalisme breton, n’a aucune substance. S’il existait un indépendantisme d’extrême-gauche, il est aujourd’hui cantonné au petit parti marxiste-léniniste “Douar ha Frankiz” qui n’est pas, par définition, nationaliste. Quant aux “nostalgiques du nationalisme très à droite de l’entre-deux guerres”, nous devrons attendre de prendre connaissance de leurs “textes” et “concepts totalement hors du temps” pour juger de quoi il est question.
Puisque le politique consiste à désigner l’ennemi, l’auteur en vient aux faits. “Enfin, quelqu’un dans nos rangs a vu le danger que représentent l’immigration et l’islam. Danger démographique, religieux, politique, terroriste”. Nous ne savons pas de quels “rangs” il est question, mais cela résume à peu près l’impasse permanente du régionalisme, ici dans son versant d’extrême-droite au sens le plus hexagonal du mot. Le “nous” définit tous ceux qui se préoccupe d’islamisme. L’ennui, d’un point de vue national breton, c’est que l’ensemble du spectre politique français dénonce l’islamisme, de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, et que cela n’offre aucun axe pratique de nature à aider les Bretons à bâtir leur nécessaire émancipation nationale.
Si l’ennemi (prioritaire) était l’islamisme, voire l’islam ou les musulmans, comme l’affirme le média Breizh Info dans cette tribune, le combat contre l’État français n’aurait plus de pertinence ou d’actualité. Bien au contraire, selon cette logique, il faudrait bâtir une unité contre l’islam et les musulmans, avec tout ce qui peut sembler s’y opposer, surtout au plan hexagonal. C’est certainement ce qu’aimerait entendre de la part des Bretons l’extrême-droite française, viscéralement anti-ethnique et stato-impérialiste : des propos de ralliement inconditionnel. Cette analyse est logique pour le régionalisme, qui, peu importe les époques, a toujours une urgence dans la poche pour légitimer l’alignement de la Bretagne sur la société française. La Bretagne, selon lui, ne peut et ne doit être qu’une subdivision de la société française et réagir à son diapason, moyennant quelques artifices folkloriques.
Le nationalisme breton, qui pense l’histoire en termes politiques, c’est-à-dire étatiques, n’a rien de commun avec les divagations régionalistes, de gauche ou de droite, et récuse avec force cette sommation à l’alignement permanent sur une société étrangère. L’ennemi, pour la nation bretonne, ne peut être que l’État qui prive notre nation de sa liberté en l’empêchant de former son propre état : l’État français. Il n’y a pas de politique sans état et aujourd’hui, en Bretagne, l’État français dispose du pouvoir suprême qui fait l’histoire et dicte leur conduite aux Bretons. Armée, police, justice, impôts, médias, éducation, tout, sans exception, est entre ses mains. Pas entre celles des musulmans ou des islamistes.
Rappelons le point de vue national breton : l’immigration de masse, et l’islamisation culturelle qu’elle porte, n’est que le résultat d’une politique d’état, elle-même rendue possible par l’occupation de la Bretagne par l’État français qui la pense et l’organise. Le nationalisme breton, depuis ses origines, s’est construit en opposition aux principes de la révolution française qui ont construit la nation française moderne. Leur antagonisme est irréductible. La révolution française, avec son stato-impérialisme, a poursuivi dès 1789 une politique de destruction des institutions nationales de la Bretagne, ainsi que l’anéantissement de son identité ethnique. Le nationalisme breton, c’est depuis l’origine la résistance ethnique consciente à ce processus impérialiste.
Jamais la nation française ne pensera la sortie de la révolution française, toutes les tentatives en ce sens ont échoué car c’est une impossibilité dans les termes. Le régionalisme, rêverie sortie de ce tonneau réformiste, est une contradiction interne du système français hérité de 1789. Les nationalistes bretons, eux, ne confondent pas causes et conséquences historiques : Paris, et son état, est l’ennemi, et la sauvegarde de la nation bretonne est indissociable de la fin de l’occupation française. Cela implique de lutter pour la reformation de l’État breton, préalable à la renaissance ethnique de la Bretagne.
Cette tribune n’est pas produite par un “nationaliste breton”, mais par un auteur satellisé par l’extrême-droite hexagonale. Il suffit encore de citer : “Et nos alliés dans cette bataille qui s’annonce ne sera sûrement pas la coalition des indigénistes mais… les nationalistes français. Là encore, ça ne nous fait pas plaisir, mais c’est la réalité crue”. Rien de moins ! Patience, Bretons, et nous apprendrons bientôt les vertus de la Marseillaise et de l’occupation française, nouveaux piliers de ce bien étrange “nationalisme breton”.
En consultant Breizh Info, on relève que le discours de Mathurin Le Breton brode sans cesse sur ce thème. Le 25 juillet 2023, on lit : “Nous restons donc des indépendantistes bretons mais nous devrons forcément composer demain avec les forces nationalistes françaises pour sauver notre peuple de la victoire du camp du Grand Remplacement. C’est terrible, mais c’est ainsi. Et c’est la dure voix de la sagesse et du réel sur le romantisme”. Décidément, cet “indépendantisme” qui dénonce l’indépendantisme à longueur de tribune est un bien curieux objet politique, aussi unique que son auteur.
S’y ajoutent des erreurs grossières de taxonomie, l’Emsav étant confondu avec le “mouvement breton”, ce qui permet d’amalgamer l’UDB, organisation d’extrême-gauche régionaliste qui s’inscrit officiellement dans le cadre du fédéralisme français, avec le “nationalisme breton”, qui, pour l’auteur, n’a visiblement pas d’organisation, de militants, ni de programme. Ainsi apprend-on que “les formations nationalistes auraient un boulevard en demandant la priorité au logement pour les Bretons. Malheureusement, par gauchisme viscéral celles-ci ont réussi à faire de ce boulevard une impasse”.
Mathurin Le Breton gagnerait à regarder sur les murs de Bretagne qui, depuis deux ans, ont vu fleurir nos 20,000 affiches, celles du seul parti nationaliste breton en action aujourd’hui.
Il aurait également pu lire nos exigences immédiates qui affirment :
7 – La création d’un statut de résident encadrant l’accès à la propriété immobilière dans l’un des cinq départements bretons, lequel est possible après une période de 10 ans de résidence continue en Bretagne, à raison de 6 mois et un jour par an sur cette période. Les Bretons nés de parents bretons hors de Bretagne sont exemptés d’un tel permis de résidence.
8 – L’exclusivité bretonne pour l’accès au logement social. Tout logement social neuf ou vacant sera prioritairement réservé aux personnes dont au moins un des deux parents est né en Bretagne de deux parents nés en Bretagne.
9 – La taxation à 50% des revenus des locations saisonnières dans les zones de logement en crise. Son produit sera reversé aux communes bretonnes afin qu’elles développent l’offre de logement locale pour les Bretons exclusivement.
10 – La taxation annuelle des propriétaires de résidences secondaires ne résidant pas en Bretagne à hauteur de 10% de la valeur du bien immobilier concerné. Le produit sera reversé aux communes bretonnes afin qu’elles développent l’offre de logement locale pour les Bretons exclusivement. Les propriétaires de résidence secondaires qui ne résident pas en Bretagne mais qui justifient d’au moins un parent breton ou de deux grands-parents bretons sont exemptés de cette taxe.
Breizh Info est-il si peu informé de la vie politique bretonne qu’il ne connaisse pas l’action du PNB qui dément en tout ses affirmations, objectivement dénuées de fondement ?
Parlons clairement : les interminables tribunes de ce média contre un nationalisme breton “woke” qui n’existe pas dans lesquelles s’enchaînent les lamentations sur l’absence de formations nationalistes opposées à l’immigration, qui pourtant existent à travers le Parti National Breton, ne relèvent pas de l’erreur d’analyse, mais de la nuisance organisée. Le but est de détourner les Bretons de l’alternative nationale pour les rabattre vers l’extrême-droite française et ses succursales, peu importe lesquelles, ce que ces tribunes à répétition martèlent explicitement, mois après mois. Cela s’appelle le loyalisme français, l’impasse qui a mené la Bretagne à la ruine depuis la révolution française, et nous ne sommes pas dupes.