Sous leur égide…

C’était vers le milieu du neuvième siècle. L’état de la Bretagne n’était pas sensiblement différent de la situation actuelle. Il se résume en quelques mots : les Bretons n’étaient plus maîtres chez eux, la Bretagne, ayant perdu son indépendance et sa nationalité, était devenue tributaire de la France. Le patriotisme, cependant, ne s’était pas éteint chez les enfants d’Armor.

L’éternel rêve d’indépendance dont les opprimés bercent leur amertume hantait douloureusement le cerveau de nos pères. Il trouva providentiellement deux hommes résolus à les faire triompher. Deux seulement : un gentilhomme et un moine. Le moine s’enfonça dans la solitude de Redon et construisit un moûtier ou nuit et jour la voix des justes s’élevaient pour demander au Ciel le salut de toute la Bretagne, ainsi que s’exprime le cartulaire de l’abbaye.

Le gentilhomme, lui, aiguisa sa bonne lame et donna du Korn-boud à travers les plaines et les monts de Breizh l’opprimée. Bientôt, le bruit de la révolution parvint à Charles le Chauve et celui-ci lança aussitôt sur la Bretagne une armée qui devait briser toute résistance. De son côté, le roi des Bretons rassembla ses troupes. On vit autour de lui des adolescents pleins d’enthousiasme pour la défense du sol ancestral ; des hommes qui voulaient leur foyer affranchi des exactions du Franc ; d’anciens compagnons d’armes de Morvan-le-Martyr et de Guiomarc’h l’Intrépide, de graves et beaux vieillards à qui de la revanche rendait un semblant de vigueur et de vie.

La bataille eut lieu dans les marécages de Ballon et dura plusieurs jours. C’est dire qu’elle fut effroyable, désespérée. À la fin, les Francs durent avouer leur défaite. Leur roi chauve s’était honteusement enfui, abandonnant son armée à la fureur des nôtres.

Les Bretons étaient vainqueurs et la Bretagne reprenait sa place au nombre des nations. C’était aux derniers jours de juin de l’an 845, il y a 1179 ans.

En notre temps malheureux, il est bon de retourner à nos gloires d’autrefois. Le souvenir des héros de notre race nous soutient dans la lutte et illumine de ses fulgurants reflets les phases de notre action. Nous nous sentons plus forts à leur mystérieux contact et, quoi qu’en disent les ingrats et les pusillanimes, la voie que nous suivons est droite et sûre, car ils l’ont avant nous amoureusement sillonnée, et nous ne faisons que la reprendre, sous leur égide, dans l’auréole protectrice de leur exemple.

Ronan de Kermene 

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