Pourquoi nous voulons l’indépendance de la Bretagne, notre nation

Pourquoi nous voulons l’indépendance de la Bretagne, notre nation

[PNB] La question de l’indépendance nationale de la Bretagne est étroitement liée, et consécutive, à l’idée nationale bretonne elle-même. Avant de poser la question de l’indépendance nationale, et ce qu’elle est réellement au premier chef, il faut d’abord appréhender ce qu’est l’idée nationale, d’autant que, très souvent, ceux qui veulent nier la nationalité bretonne commencent par délégitimer la faisabilité de l’indépendance. Pas d’indépendance réalisable en pratique, disent-ils, pas de nationalité bretonne : c’est le sophisme couramment utilisé par ceux qui la combattent pour clore la question nationale bretonne.

L’interdiction de la nationalité bretonne

L’idée nationale est la pleine conscience, chez un Breton, de l’existence d’une nation bretonne à laquelle il appartient. Avant de poursuivre à propos de ce qui fonde matériellement et spirituellement cette nationalité, il faut déjà s’arrêter sur l’interdiction que placent sur elle les Français. Les Bretons, encagés dans les mailles d’un état étranger, l’Etat français, expérimentent dès la naissance un intense travail de négation de leur nationalité par cet état qui use à cet effet de toute sa puissance institutionnelle, médiatique et économique. Cette négation se justifie idéologiquement en des termes absolus, de nature religieuse. Justifiant leur domination sur la Bretagne par leur religion d’état, l’égalitarisme niveleur des droits-de-l’homme dont ils seraient les gardiens de l’orthodoxie depuis 1789, les Français, avec leur coutumière perfidie rhétorique et leur tropisme impérialiste, proclament que les Bretons n’ont aucun droit à affirmer leur nationalité sous peine de blasphème à l’égard de leur révolution.

Pour la France et les Français, la nationalité bretonne est d’abord une impossibilité métaphysique, ensuite une insolence, enfin un danger politique. Toute indépendance de la Bretagne consécutive au réveil de la conscience nationale bretonne prend un caractère de menace existentielle pour les Français, car si un Breton n’a nullement besoin que les Français se disent bretons pour exister, pour les Français, dont l’identité collective est le produit de la bureaucratie impériale et de ses conquêtes armées, un Breton qui ne se dit pas français remet en cause l’existence et la légitimité de l’état qui l’a créé. Si demain les Bretons affirmaient leur nationalité et la portaient à sa conclusion par l’indépendance de la Bretagne, c’est le mythe d’un Hexagone républicain, surnaturellement uni depuis l’aube des temps, à en croire la vulgate française, qui s’effondrerait.

Il est également essentiel de comprendre qu’en réduisant progressivement l’influence de la Papauté dans les affaires religieuses, les rois de France ont voulu créer un catholicisme spécifiquement français, subordonné à la couronne de France et aux intérêts du pouvoir parisien, très proche en cela de l’anglicanisme, qui culminera avec le gallicanisme. Si le gallicanisme a échoué en France, la victoire des idées révolutionnaires, lors de la proclamation de la monarchie constitutionnelle en 1791, aboutit à l’instauration d’une religion d’état de substitution. Celle-ci consacre la toute-puissance de l’Etat français révolutionnaire dans tous les domaines, aussi bien matériel que spirituel, se proposant explicitement de produire un homme nouveau, le proto homo sovieticus de 1918 : le citoyen français. Cette nouvelle ère religieuse entraîne même la création d’un nouveau calendrier afin de borner la redéfinition du temps français. Dès lors, s’opposer à la volonté de l’Etat français et de son mandarinat, c’est défier le nouvel ordre du monde tel que la France révolutionnaire l’a décrété. Si le catholicisme a été chassé de l’Etat français, la nature religieuse de cet état n’a été que renforcée par la révolution. Pire, la distinction entre temporel et spirituel est devenue inexistante, faisant de l’Etat français un état foncièrement porté à l’intolérance et au totalitarisme, ce qui aboutit dès sa fondation au génocide vendéen. Refuser l’autorité de cet état n’est pas seulement un acte politique, c’est également une contestation de nature religieuse qui remet directement en cause la légitimité de l’Etat français et son élite politique. Si un différend politique peut être négocié, un différend religieux, en raison de la prétention à la vérité des parties invoquant le caractère sacré et intangible de leur position, rend impossible toute discussion équilibrée. C’est la raison pour laquelle l’Etat révolutionnaire français aborde toute question sous un angle purement religieux, au sens absolu du terme, plutôt que pratique, et est obsédé par la question de sa légitimité, laquelle passe par l’admission par les autres qu’il détient les vérités fondamentales. Toute discussion, avec les Français, doit commencer par une soumission à l’idéologie révolutionnaire de 1789. C’est pourquoi, dans sa pratique politique, l’Etat français préfère perdre que d’admettre avoir eu tort, car depuis la révolution française, le principe temporel a été absorbé par le principe spirituel, si bien que toute concession au plan spirituel, c’est-à-dire idéologique, est d’ordre fondamental et durable, tandis qu’un revers politique est conjoncturel. En maintenant contre vents et marées l’éternité de sa vérité idéologique, l’Etat français agit davantage comme une église que comme un état et cela, les Bretons doivent constamment l’avoir à l’esprit. Cette mentalité religieuse et messianique pénètre tous les cadres de l’Etat français et rend impossible des discussions pragmatiques comme on peut les observer en Grande-Bretagne entre Londres et l’Ecosse, le Pays de Galles ou l’Irlande du Nord. La gestion de la colonisation par la France, comparativement à la Grande-Bretagne, le démontre. 

La morgue impériale de la France, tout comme le sectarisme idéologico-religieux de cette république, ne pourrait souffrir de voir se reformer à ses frontières occidentales un état annexé par le passé, qui plus est devenu imperméable à son idéologie messianique issue de 1789. C’est donc en termes religieux que les Français disqualifient non pas seulement l’idée nationale bretonne, mais bien une nation entière, la nation bretonne, dès lors qu’elle s’affirme contre Paris et son régime, la république française. Des Bretons pleinement conscients de leur nationalité sont, pour la France, des hérétiques, au sens plein du mot.

C’est ainsi toute une réalité mensongère qui a été et continue d’être forgée par la propagande française contre l’idée nationale bretonne. Par exemple, contrairement aux autres peuples, les Bretons ne s’émancipent pas de leur occupant lorsqu’ils veulent repousser les Français de leur pays : ils se “replient sur eux-mêmes”. Imagine-t-on présenter la lutte des Vietnamiens ou des Algériens pour leur indépendance nationale comme un “repli sur soi” ? D’après cette vulgate officielle hexagonale, il ne peut y avoir de Bretons que soumis et intégrés dans le système français, en dehors duquel, d’après elle, les Bretons se trouvent immédiatement près de rechuter dans la barbarie, barbarie dont la France civilisatrice les aurait délivrés par générosité et altruisme, fidèle à sa mission universelle proclamée en 1789, libérant le sauvage breton de toutes ses entraves sociales et identitaires archaïques, mais sous la stricte direction de Paris et à ses conditions. Ainsi, doit-on en croire, si le pouvoir colonial français occupe la Bretagne, c’est pour son bien que les Bretons l’acceptent ou pas. Aux Bretons de se montrer reconnaissants d’avoir accédé à la civilisation par les Français : voilà, en substance, le message invariable que Paris et la France adressent aux Bretons.

C’est ainsi que le nationalisme breton – et avec lui toute forme d’agitation politique à caractère irrédentiste – est invariablement présenté comme une jacquerie de sauvages par une bourgeoisie parisienne, sûre de porter les lumières de la civilisation, la sienne, du “progrès” vers une société idéale, la sienne. Les médias et les institutions françaises, ainsi que leurs relais en Bretagne, se chargent de délégitimer non seulement le nationalisme breton, mais la nationalité bretonne elle-même, c’est-à-dire, à travers elle, le Peuple Breton qui refuse de disparaître pour se fondre dans cette bouillie impériale hexagonale. C’est dans ce cadre d’hostilité nationale, politico-médiatique, historique, idéologique, sociale que se pose la question de la nationalité bretonne, c’est-à-dire dans un rapport d’accusation dressé par l’occupant à l’occupé, par le dominant au dominé, afin de le dissuader de se révolter.

La nationalité bretonne posée dans les termes bretons

Ce rappel fait, vient donc la question de ce qui fonde la nationalité bretonne, en dehors des interdits idéologico-religieux et moraux des Français. Nous voyons souvent des Bretons aliénés par la religion française de 1789, reprendre à leur compte le verbiage français du contrat social rousseauiste pour justifier la nationalité bretonne. Erreur historique et philosophique funeste ! C’est précisément par son refus de la révolution française lors de la chouannerie, avec la défense de la personnalité collective de la Bretagne telle que théorisée par l’Association bretonne, que la nationalité bretonne a pris vigueur, proclamant ne pas être réductible à la nouvelle masse française révolutionnaire. C’est sous la pression de l’impérialisme révolutionnaire français et de son idéologie que la nation bretonne a toujours plus développé sa conscience et, de manière toujours plus sophistiquée, pensé son être national par rapport à l’Etat étranger qui cherchait – et cherche encore – à la détruire. Ce processus s’est poursuivi jusqu’à aboutir à la formation du Parti Nationaliste Breton, en 1911. Chercher à expliquer – encore plus à justifier ! – la nationalité bretonne par les catégories françaises du contrat social héritées des thèses de 1789, c’est commettre en contresens historique en prétendant libérer l’homme breton par les idées égalitaristes dont l’occupant français se sert depuis deux siècles pour justifier la dissolution même de la nationalité bretonne. Ce réflexe d’aliéné de la part de certains Bretons prétendant faire œuvre de libération nationale témoigne d’un mimétisme du sujet colonial à son maître qu’un nationaliste breton ne peut admettre. Le nationalisme breton doit donc produire sa propre conception de la nationalité, selon ses catégories historiques et philosophiques, et non selon des catégories importées spécifiquement conçues pour détruire la nationalité qu’il porte.

La nationalité bretonne est un fait, mais aussi, par la force des circonstances, une révolte du particulier contre le collectivisme niveleur français. C’est une nationalité au sens premier du mot nation, du latin “natio”, “naître”. Contrairement à la fausse nation qu’est la masse révolutionnaire française fondée sur l’adhésion à des abstractions philosophiques, c’est une communauté de filiation objective qui a conscience d’être. C’est, au sens plein, une réalité. Comme ethnie, la nation bretonne est une famille élargie, fondée par le sang hérité, porteuse de la culture que ce sang, dans le cadre de l’histoire commune, a partagé et partage encore. Si l’on peut devenir français, car la France n’est pas une nation, mais un état impérial, on est breton ou pas, dès la naissance. Ce n’est pas un privilège ou une tare, mais un fait. C’est pour cette raison que, même sans état, la nation bretonne continue d’exister, car les Bretons continuent d’exister et ses membres se reconnaissent entre eux, contrairement à un fait administratif comme l’est la nationalité française qui dépend du maintien de l’Etat français.

La nationalité bretonne, pas plus que la personnalité d’un individu, n’a à se justifier. Une personne a une personnalité parce qu’elle existe. C’est une conséquence. Il en va de même pour la nation bretonne dont la nationalité est l’expression de sa conscience d’exister. Si elle peut et doit pleinement se comprendre, elle n’a pas à produire d’explications aux Français. Nous, Bretons, n’avons pas à nous comporter comme des suspects en garde-à-vue. Nous sommes de nationalité bretonne parce que nous le sommes, un point c’est tout. Que les Français acceptent ou non la nationalité bretonne n’est pas un sujet. Ce qui importe, c’est que les Bretons en retrouvent pleinement la conscience.

L’Etat breton et ses caractéristiques

Certes, l’Etat permet à la nation de se tenir debout, d’agir pleinement comme personne collective au sein des autres nations, et à ce titre les Bretons veulent un état national, mais l’Etat n’est pas la nation, il est que l’outil de la nation. Cette distinction doit être impérativement faite, car en France, sous l’effet de la révolution et de la Terreur, la confusion entre nationalité et état a été abolie pour justifier la destruction de toutes les frontières et de tous les peuples faisant barrage aux armées et à la bureaucratie françaises.

L’Etat breton, acquis au principe de réalité dont il découle comme produit de la nationalité bretonne, ne doit en aucun cas commettre les erreurs de l’état révolutionnaire français. C’est pourquoi, la forme de l’Etat breton doit être une forme confédérale, qui intègre librement les parties de la nation, étant en cela plus proche de la mentalité fédérative nord-européenne à laquelle les Bretons appartiennent, plutôt qu’à la massification bureaucratique latine et à son produit monstrueux qu’est la centralisation à outrance. Confiante dans son unité nationale, produit naturel de son homogénéité ethnique et de sa conscience historique, la nation bretonne ne recherche pas la coercition de ses parties, mais les appelle à librement s’associer afin de démontrer chaque jour le renouvellement de cette unité. L’intolérance jacobine et le caporalisme bonapartiste ne font pas partie du tempérament breton et c’est bien à un état qui exprime la véritable sensibilité bretonne que le nationalisme breton travaille afin de libérer l’homme breton lui-même. Les nationalistes bretons défendent par exemple, selon ce principe, une armée de volontaires, dite de milice, où chaque Breton devient un élément actif de la défense nationale, par opposition à une armée professionnelle qui échappe à son peuple. 

Les réponses aux arguments contre l’indépendance

Lorsque ce n’est pas la nationalité bretonne elle-même qui est attaquée et délégitimée, c’est la faisabilité de l’indépendance nationale, sa conséquence logique, qui est posée par les opposants ou les sceptiques. 

Le premier argument est qu’aussi justifiée que puisse être en théorie l’indépendance de la Bretagne, celle-ci n’est pas possible, car justement, la France s’y oppose et s’y opposera et que cela suffit à la rendre impossible. Il faudrait donc se résoudre au statu quo, dans le pire des cas, ou rechercher un aménagement, dans le meilleur. C’est la position des fédéralistes et des régionalistes de toutes les colorations : composer dans la soumission. Comme nous l’avons exposé ci-dessus, outre son caractère intolérable d’acceptation de la domination étrangère, cette solution apparente de facilité est en réalité rendue impraticable par la nature de l’Etat français que nous avons exposée précédemment, lequel ne peut admettre de fragmentation de sa vérité. Pour l’Etat français, indépendance et autonomie, sur le continent, ne sont qu’une seule et même chose, au plan idéologique, par l’effet qu’il produit puisque l’autonomie suppose dans les faits la coexistence de deux réalités politico-administratives au sein du même périmètre étatique, ce que l’Etat français combat depuis deux siècles au nom de l’unicité de la vérité  révolutionnaire héritée de 1789. Contrairement aux réalistes de la monarchie britannique, l’Etat français ne tolèrera jamais le principe différentialiste ou transactionnel, car état et vérité sont chez lui une unique chose et que toute fragmentation de la vérité étatique, par la juxtaposition de systèmes légaux, donc de deux réalités distinctes, l’un breton, l’autre français, supposerait une fragmentation de l’Etat lui-même. Faute de ciment unificateur en dehors de l’adhésion à l’idéologie égalitariste de 1789, le dernier prétexte à l’unité s’évaporerait rapidement, ce que l’Etat français sait pertinemment et fera pour empêcher. Les fédéralistes et régionalistes bretons, par tactique ou conviction, mégalomanie ou rêverie, prétendent d’abord refaire l’Etat français, depuis la Bretagne, pour ensuite aménager une place pour elle dans le futur cadre étatique français ! Qui peut croire que l’indépendance de la Bretagne tout court n’est pas autrement plus accessible que cette ambition folle de réformation de l’Etat français en intégralité, contre l’aspiration de plus de 60 millions de Français, après deux siècles de sédimentation jacobine et marxiste ?

Le second argument, plus pragmatique, est celui de la puissance de la Bretagne et ce qu’elle pourrait retirer de son indépendance. Les opposants ont chacun leur propre moyen de mesurer la puissance respective des états pour rejeter l’indépendance de la Bretagne. Le premier moyen, parce que le plus observable, est celui de sa masse terrestre par rapport aux autres pays. Il suffit de répondre que si Monaco (2 kilomètres carrés), le Liechtenchtein (158 kilomètres carrés), le Luxembourg (2,586 kilomètres carrés) sont des états souverains reconnus internationalement sans que cela ne paraisse irréaliste à quiconque, la Bretagne, avec ses 34,018 kilomètres carrés, le peut davantage. Parmi les 235 états du monde, une Bretagne indépendante se classerait en 139ème position par sa superficie, devant la Belgique, l’Albanie ou Israël. Sa position stratégique sur l’Atlantique faisant d’elle une pièce maîtresse de l’Europe du Nord. Le second moyen est celui de la puissance économique. Idée très ancrée chez de nombreux Bretons ayant acquis un complexe d’infériorité culturelle sous l’effet de la propagande française, la dépendance économique de la Bretagne à la France ne serait pas un fléau, mais une opportunité à cultiver. Si cet état de dépendance peut être une opportunité pour la bourgeoisie compradore qui dépend de Paris pour ses rentes, il est catastrophique pour la Bretagne qui se voit empêchée de mener sa propre politique économique. Contrainte, par la force de l’Etat français, à une continentalisation de son économie qui contredit sa nature maritime profonde, la Bretagne a perdu toute son économie océanique, ses ouvertures internationales, et par là même, sa liberté. C’est le résultat de la politique désastreuse de Louis XIV lorsqu’il détruisit l’économie bretonne avec son blocus étatique contre le commerce anglais, politique qui affecta durablement la Bretagne jusqu’à aujourd’hui. Pour autant, en dépit de ses entraves débilitantes, la Bretagne dispose d’un PIB de 143 milliards d’euros en 2022, ce qui place la Bretagne au 25ème rang des 49 états européens, derrière la Hongrie (153 milliards d’euros pour 10 millions d’habitants). L’indépendance nationale, qui par nature permettrait à la Bretagne de négocier elle-même l’ensemble de ses relations économiques, seule ou en partenariat avec d’autres pays, et de déterminer sa politique fiscale, ses orientations stratégiques, ses investissements et la formation de ses élites, ne pourrait que renforcer l’économie bretonne au fil du temps, comparativement à son inexistence actuelle sur la carte politique européenne. Une telle politique de puissance inverserait la désastreuse émigration de la jeunesse bretonne, avenir même de la nation. Une Bretagne reconnue comme état aurait par ailleurs des ambassadeurs dans toutes les capitales d’Europe, ainsi que dans diverses organisations internationales, et en retirerait une visibilité sans équivalent avec sa présente situation, pouvant de la sorte trouver des appuis et des opportunités qui lui sont aujourd’hui interdites par l’Etat français.

Le troisième argument est la confusion entre autarcie et indépendance. Ayant acquis le principe de la dépendance à la France comme inéluctable, sinon nécessaire, de nombreux Bretons confondent indépendance de la Bretagne et autarcie de la Bretagne. C’est l’un des obstacles psychologiques les plus puissants pour les nationalistes bretons car il repose sur une inversion complète de la réalité par la propagande d’état française. En effet, pour ces Bretons, toute relation “avec l’extérieur” se résume à une relation avec la France comme intermédiaire obligatoire. Si c’est une réalité que l’Etat français impose à la Bretagne aujourd’hui, ce n’est pas un choix, ni même une réalité inéluctable. C’est précisément pour pouvoir ouvrir toutes nos communications avec les partenaires étrangers pertinents que l’indépendance de la Bretagne est nécessaire afin de se débarrasser de l’interdit parasitaire que Paris a placé sur la liberté de notre diplomatie et de notre économie nationale, pas l’inverse ! Si nous voulons sortir de l’autarcie hexagonale dans laquelle la Bretagne se trouve prisonnière du fait de la soumission de la Bretagne à Paris, il faut justement acquérir l’indépendance. Le but n’est pas l’autarcie de la Bretagne, c’est-à-dire la rupture de nos relations avec l’extérieur, mais le renforcement de ces relations, échanges et partenariats avec les autres états étrangers et d’abord au plan économique. L’indépendance nationale ne signifie pas davantage la fin des relations économiques avec la France, mais le rééquilibrage de ces relations en faveur de la Bretagne grâce à la maîtrise retrouvée de ses moyens de décision. Aujourd’hui, la Bretagne ne négocie pas d’égale à égale avec la France, mais se trouve dans l’état du vassal face à son suzerain, quand ce n’est pas dans la position d’un mendiant.

Le quatrième argument est celui de la maturité nationale. Beaucoup de Bretons ont peur de l’indépendance comme des enfants ont peur du passage à l’âge adulte, avec son lot de responsabilités. Ils voient les nationalistes bretons comme ceux qui leur annoncent qu’ils vont devoir quitter le cocon familial. Ce sont les colonisés volontaires. Si l’Etat français infantilise les Bretons par sa propagande, nombreux sont ceux qui parmi eux se complaisent dans cette infantilisation car elle les dispense d’avoir à endosser les responsabilités d’une nation passée à l’âge adulte. Se reposer sur Paris, c’est laisser le maître décider, avec ce que cela suppose de travail et de difficultés. Réclamer mais ne pas décider, voilà cette attitude à laquelle les opposants à l’indépendance disent qu’il faut se conformer. Lorsque des objections sur la capacité des Bretons à assumer ces responsabilités sont faites, la réponse est simple : si des Luxembourgeois ou des Monégasques peuvent les assumer, les Bretons le peuvent, mais surtout, le doivent. L’inverse est en soi une honte nationale. Les Bretons, comme les Ecossais ou les Catalans le font, doivent apprendre à défendre leur honneur national en ne transigeant pas sur les obligations qui s’imposent à eux pour défendre leur rang national en Europe, ce qui passe par la maturité de l’indépendance de la Bretagne. 

Le cinquième argument, le plus faible, est celui du précédent historique. Il est caractéristique des Bretons qui, acculturés par le ministère de l’embrigadement français dit de “l’Education nationale”, ne connaissent pas leur histoire nationale. Il est simple : la Bretagne n’ayant jamais été une nation, encore moins indépendante, ni formé d’état propre, elle ne saurait en former un aujourd’hui. Naturellement, les nationalistes bretons ont pour première tâche d’enseigner aux Bretons l’histoire nationale de la Bretagne escamotée par l’Etat français en rappelant justement que la nation bretonne s’est formée bien avant la France, et des deux côtés de la Manche. Rien de plus simple que de rappeler la fondation de la Bretagne dès le 4ème siècle après Jésus-Christ, puis l’émergence des royaumes bretons progressivement unifiés par Nominoë en un seul bloc étatique qui ne fut plus jamais désuni. L’histoire monétaire de l’Etat breton le prouve de manière encore plus éclatante, l’émission monétaire étant, avec la diplomatie et l’armée, la démonstration de cette indépendance nationale bretonne. Enfin, les conditions de l’annexion de la Bretagne par la France, entre 1488 et 1532, achèvent de dissiper les vieilles lunes qui avaient cours à ce sujet au XXème siècle sous l’effet de l’action de l’histoire officielle française diffusée dans les écoles de Bretagne. Cependant, c’est le raisonnement lui-même qui doit être convaincu d’absurdité en démontrant que le précédent historique, même s’il existe en Bretagne, n’est pas un prérequis. Pour cela, il suffit de citer l’exemple de nations qui n’avaient pas d’état et qui s’en sont données un. Les cas les plus spectaculaires à cet égard étant les Etats-Unis d’Amérique, fondés en 1776 par 3 millions d’Américains, et Israël, fondé en 1948, en plein désert. Ce dernier exemple, de par sa taille, proche de la Bretagne, et la résurgence de sa langue hébraïque ancienne après deux millénaires de disparition, démontre que l’argument du précédent historique ne tient pas et que tout dépend de la volonté nationale. 

C’est le point final de ce texte : les arguments invariablement énoncés contre l’indépendance de la Bretagne sont le fait de ceux qui n’ont pas la force de volonté nationale pour vouloir la nation, donc son indépendance. Les arguments qu’ils utilisent, lorsqu’ils sont exprimés par des Bretons, ne servent pas tant à invalider l’idée de l’indépendance nationale qu’à justifier leur propre faiblesse face aux nationalistes. Les nationalistes les dominent de leur volonté et ne doivent pas se laisser abuser par la rhétorique des faibles. Ces arguments, lorsqu’ils cherchent au surplus à justifier des demi-solutions qui n’en sont pas comme le régionalisme ou l’autonomisme, représentent des remèdes pires que le mal en répandant le poison de la faiblesse nationale et de déconscientisation des masses bretonnes. Les Bretons ne seront jamais entraînés par des gens qui font de la sorte la démonstration de leur faiblesse et exploitent chaque occasion pour répandre leurs doutes dans leur propre nation. Qui voudrait suivre des hésitants ou des timides, plutôt que des révolutionnaires ? C’est par leur foi et leur confiance que les nationalistes convaincront les Bretons de la justesse de la libération de la Bretagne du joug de l’Etat français. Finalement, l’objet de l’Etat breton est de libérer la nation bretonne comme personnalité collective, libération sans laquelle il ne pourra jamais y avoir de libération personnelle de chaque Breton pris individuellement. Tant que la Bretagne sera réduite à l’état de colonie de l’Etat français, surtout à l’heure où cet état emprunte la pente fatale de la dissolution ethnique dans un flot démographique à rebours, elle continuera de se dénationaliser, c’est-à-dire, pour chaque Breton, de perdre ses qualités originelles, jusqu’à la disparition. Il s’agit non seulement de renaître, mais aussi de vivre.

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