Impérialisme : en Irlande, le gouvernement pro-UE, pro-OTAN veut rompre avec la neutralité historique du pays

Impérialisme : en Irlande, le gouvernement pro-UE, pro-OTAN veut rompre avec la neutralité historique du pays

[EIRE] Il n’est pas surprenant que le gouvernement irlandais n’apprécie pas particulièrement Michael D. Higgins [président de la république d’Irlande, ndlr].

Le week-end dernier, les relations entre le président et le gouvernement se sont encore détériorées.

S’adressant au Business Post, le président Higgins a dénoncé les efforts déployés par le gouvernement pour se débarrasser de la neutralité irlandaise et s’aligner sur l’OTAN, une alliance militaire impérialiste dont les membres sont responsables de millions de morts civiles dans le monde. Ces efforts reviennent à “jouer avec le feu”, a déclaré le président au journal.

Higgins a raison : le soi-disant “débat” national sur la neutralité est une farce, orchestrée par des gens dont la mission est que l’Irlande abandonne sa louable histoire anticoloniale et devienne un complice mièvre des puissances impérialistes occidentales.

Le fait que la neutralité irlandaise ait été dégradée par les gouvernements successifs, en particulier au cours des deux dernières décennies, est bien documenté. Les avions de guerre américains se ravitaillent à l’aéroport de Shannon, les soldats irlandais participent à la militarisation de l’Europe et le gouvernement tente de promouvoir une industrie d’armement nationale.

Alors que tout cela se produit, les politiciens appellent à une discussion “réaliste”.

La dernière tentative flagrante de fabriquer un consentement à l’abandon de la neutralité est le “Forum consultatif sur la politique de sécurité internationale” du gouvernement, un “processus de consultation publique” de quatre jours qui se déroule aujourd’hui, rempli de militaristes et d’un assortiment d’autres bellicistes.

Michael D. Higgins

Il est difficile de ne pas être d’accord avec le président Higgins lorsqu’il qualifie le forum de “jeu de société” qui, sous des airs frivoles, aborde une question de vie ou de mort. La présidence est assurée par la célèbre universitaire Louise Richardson, une partisane des guerres américaines et britanniques au Moyen-Orient qui a de “très grandes lettre DBE” à côté de son nom [DBE pour Dame Commander of the British Empire, grade d’un ordre impérial britannique, ndlr], comme l’a fait remarquer Higgins, bien qu’il se soit excusé par la suite.

Il n’aurait pas dû.

Une personne qui détient le titre de “Most Excellent Order of the British Empire” n’est évidemment pas un choix approprié pour superviser une discussion sur la neutralité irlandaise. La position historique de l’Irlande, qui consiste à ne pas s’engager dans des alliances militaires, est due en grande partie à son histoire coloniale, à la partition actuelle du pays et au refus du gouvernement britannique de s’engager ouvertement dans des enquêtes sur les crimes de guerre commis pendant les Troubles.

Le parti politique socialiste People Before Profit estime que les orateurs anti-neutralité au Forum sont environ cinq fois plus nombreux que les orateurs pro-neutralité. Lorsque le député de gauche Paul Murphy a souligné le peu d’intervenants favorables à la neutralité, le Tánaiste Micheál Martin l’a accusé d’autoritarisme.

Le Taoiseach Leo Varadkar a ensuite déclaré que l’Irlande était désormais confrontée à des “menaces différentes”.

Parmi les dangers imminents qui feront l’objet de discussions, citons la sécurité des câbles sous-marins au large des côtes irlandaises, notre participation à l’oxymorique “Partenariat pour la paix” de l’OTAN et la cybersécurité, considérée jusqu’à récemment comme une question de police, alors même que les services de santé irlandais ont été victimes d’une violation catastrophique de leurs données en 2021.

Les participants parleront également de la suppression du mécanisme de triple verrouillage pour les déploiements des forces de défense irlandaises à l’étranger, qui stipule que n’importe lequel des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies – les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Chine, la Russie et la France – peut opposer son veto à la participation irlandaise aux missions de maintien de la paix de l’ONU. (L’Alliance irlandaise pour la paix et la neutralité a déclaré à la Tribune que cela ne s’était produit qu’une seule fois dans l’histoire de l’ONU : La Chine a empêché le déploiement de troupes irlandaises en Macédoine en raison de sa position sur Taïwan).

Les partisans d’une militarisation accrue ne semblent pas s’être rendu compte que les soldats de la paix irlandais sont respectés précisément en raison de leur neutralité, et non en dépit de celle-ci.

Dans certains coins de l’Occident, le soutien non critique à l’escalade du conflit en Ukraine est un test de pureté. Les dirigeants politiques irlandais sont impatients de le passer.

Lors du récent “retour au pays” de Joe Biden en Irlande – apparemment pour commémorer le vingt-cinquième anniversaire de l’accord du Vendredi saint, mais surtout une mission visant à nous conserver en tant qu’atout stratégique – Varadkar a remercié le président américain pour son “leadership” dans le conflit, ajoutant qu’il ne sait pas “dans quel genre de monde nous vivrions” sans les États-Unis.

Leo Varadkar, métis indien ouvertement homosexuel, premier ministre de l’Irlande 

Il serait préférable de tirer parti de ce qui reste de notre neutralité et d’appeler à des pourparlers de paix. Avec l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN, l’Irlande serait probablement la seule nation d’Europe occidentale à pouvoir contribuer de manière significative à l’arbitrage qui s’imposera inévitablement – espérons-le, pas après la mort de centaines de milliers d’autres personnes.

Au lieu de cela, nous nous joignons au chœur qui appelle à l’intensification de la guerre tout en déployant des efforts insuffisants pour accueillir les personnes qui la fuient.

Le gouvernement irlandais ne veut pas d’un débat sur la neutralité. S’il le voulait vraiment, il est peu probable qu’il aurait rejeté une motion demandant un référendum sur la question ou qu’il aurait ignoré des sondages démontrant un large soutien à la non-participation aux guerres étrangères et aux alliances militaires.

Voici ce qui se passe en réalité : des éléments influents de la bourgeoisie irlandaise – europhiles crédules, chauvins abjects et procéduriers fanatiques – aspirent à l’approbation des États-Unis et de Bruxelles au point d’être prêts à envoyer de jeunes Irlandais mourir à l’étranger, aggravant au passage le risque de guerre nucléaire.

Toute personnalité qui s’y oppose, en particulier les hommes politiques de gauche comme le président Michael D. Higgins, est susceptible de se retrouver dans leur ligne de mire.

Source : Tribune

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